En passant par le net, novembre 2010

(rubrique du numéro de novembre 2010 de la revue Musique Bretonne, éditée par l’association Dastum)

En passant par internet…

… on y trouve de belles vitrines, dans lesquelles certains vendent de l’artiste au kilo, comme on vendrait des viennoiseries ou des canettes de soda, et pourquoi pas traditionnel, c’est une variété comme une autre. « Artistes en direct », est-il annoncé sur l’un de ces sites… qui se propose de faire… l’intermédiaire ! C’est le concept, déjà bien rodé dans le secteur immobilier, de la relation directe, mais avec intermédiaire. Comprenne qui pourra, d’autant que le site propose, d’un clic d’établir de véritables devis en son nom propre. Au moins les agences de « relations directes » entre propriétaires et locataires laissent ces derniers se débrouiller et se contentent de leur commission, une fois leur travail d’intermédiaire effectué. Oui mais dans le spectacle, c’est un métier réglementé, de faire ainsi l’intermédiaire : on appelle ça « agent d’artiste », et la commission est limitée par la loi à 10% maximum. Prendre plus, ce n’est pas un manquement à une très souple déontologie, c’est un délit. On comprend mieux pourquoi ce genre de sites va jusqu’à prendre en charge la facturation de la prestation de l’artiste et des frais afférents : pas de marge maximum, on peut payer un artiste 100€ et facturer 1000€ au client, c’est le monde des affaires, la liberté d’entreprendre, on n’est pas en urss que diable ! Un bizness lucratif (ah, ces mariages organisés à distance à coup de devis) et tout à fait légal, donc, à condition de disposer d’une licence d’entrepreneur du spectacle (délivrée par la Direction Régionale des Affaires Culturelles) et d’assumer ses responsabilités d’employeur. L’octroi de la licence (matérialisée par un numéro d’identifiant, à apposer sur tous les documents officiels) étant entre autre conditionné à ce « détail » (déclarer le salaire et payer les cotisations sociales), on comprend mieux pourquoi on cherche en vain, sur certains sites rutilants, la trace de cette petite série de chiffres… Un seul site pour tous ceux qui veulent employer des artistes, même une seule fois dans leur vie, sans commissions et sans arnaques : celui du guichet unique. (http://www.guso.com.fr)

… on y apprends qu’il existe en France une « présomption de salariat » pour tout ce qui concerne le spectacle vivant. Dès qu’il y a contrepartie financière, que ce soit pour jouer une suite gavotte tout seul pendant 15 minutes, ou pour animer un fest-noz entier avec son groupe de stars des planchers, c’est la même chose, si tant est qu’on souhaite vivre dans le respect des lois de la République. Il y a des délinquants partout, certains vont jusqu’à penser qu’il serait malsain qu’il n’en existe pas dans les festoù-noz ! Parfois, musiciens et organisateurs sont complices de cette douce illégalité. Parfois les musiciens pensent y gagner et se retrouvent le bec dans l’eau. Parfois ils se laissent bercer par les promesses de réussite pour tous qui accompagnent le dispositif bizarrement intitulé « auto-entreprise » : erreur ! Une prestation musicale est soit bénévole soit salariée. Aucun échappatoire légal à cette alternative. (http://mediatheque.cite-musique.fr/masc/?INSTANCE=CITEMUSIQUE&URL=/mediacomposite/cim/40_profession_musique/10_mus/20_environnement_juridique_social/Default.htm)

Térez Gueric

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